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Deux ateliers d'écriture : au premier trimestre, autour de l'exode de juin 40, puis au deuxième trimestre, autour des exils et exodes contemporains.

Le texte définitif, avec les indications scéniques pour le spectacle :

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Son : Noir 3

Léni Je n’ai jamais aimé l’obscurité, c’est là que les ombres se cachent. Les ombres sont diaboliques et veulent conquérir les terres du monde plus vite que le ferait un trou noir ! moi, Evan, dix ans, je déclare détester l’obscurité.

 

Son :  Noir 3

Mathieu Il fait bon, une petite brume d’été règne dans l’air.

Nawel Mais pourtant les rues sont vides. J’accompagne Marcel, mon petit frère, à l’école. Je m’appelle Gabrielle, j’ai douze ans

 

Son WALTZ  42

Mathieu et Nawel sortent

Entre Léo , Robert, Amélia et Cléa qui installent les chaises sur la musique en récitant leur texte.

 

Fin de Waltz 42

Léo : Je m’appelle Georges Rousset. J’ai seize ans. Je vis avec ma famille au sommet des escaliers Denis Papin, à Blois. Mes parents y tiennent un café : le Denis Papin.

Robert : Le Denis Papin n’est pas très grand, mais il dispose d’une grande terrasse. Et de nombreux habitués s’y arrêtent chaque jour.

Léo : Mon père est un homme calme et toujours souriant. Mais mère est tout aussi souriante,

Cléa : mais moins calme

Léo : même si elle reste une mère douce et aimante. Rose, ma petite sœur de 7 ans

Amelia: est son portrait craché.

Léo : Mon père répète sans arrêt

Robert :  les Allemands ne franchiront jamais la ligne des troupes françaises et maman renchérit

Cléa : si on a gagné une fois, on gagnera deux fois.

Léo : Puis un jour

Amelia (se lève) : le 10 mai

Léo : Hitler attaque les frontières de la Belgique et de la Hollande.

Amelia: La « drôle de guerre » comme on l’appelait n’avait plus rien de comique.

Robert (se lève) : Les combats avaient commencé,

Cléa (se lève): dorénavant la guerre était là.

Ils sortent.

Noir 7 bis

Pendant la musique : « ils avancent à grands pas » (chuchotés, tout le monde traversent la scène, dans l’ordre suivant) :

  • 1-Valentine Thomas 1-

  • 2-Antoine Hamid 2-

  • 3-Niels R Léna 3-

  • 4-Evan Lorine 3-

  • 5-Enola Niels V 4-

  • 6-Halil Nawel 4-

  • 7-Léo Lény 5-

  • 8-Mathieu Amélia 6-

  • 9-Hugo Cléa Robert 7-

Tous disparaissent en coulisse

Leni apparaît :

Léni Je me revois descendre l’étroite rue du Commerce. Saluer les commerçants, admirer les vitrines, sentir l’odeur du chocolat…

Niels V et Halil entrent et vont s’installer table fond scène centre, 

Léni Et surtout écouter les conversations des adultes sur la terrasse. J’ai toujours en tête l’intonation de leur voix sérieuse et effrayée en parlant de leur arrivée.

Niels V et Halil : « Ils avancent à grands pas. »

Léni Tout le monde les appelait « ils », mais à la manière dont on en parlait, je savais qu’il s’agissait des ombres.

 

Son WALTZ 15A

Pendant la musique Thomas, Lorine et Léna viennent s’installer table face cour en même temps que Leni va s’asseoir face jardin.

Thomas Je m’appelle Achille, j’ai dix-sept ans. J’aime écrire, je suis grand, brun, avec des yeux bleus. Je suis assez simple comme garçon, à part peut-être mon amour pour les nœuds papillon. Mila se moque de moi,

Lorine mais moi aussi j’en porte des nœuds papillons pour attacher mes cheveux. Je suis assez mature pour mes 13 ans. Nos parents nous ont envoyés

Léna  chez notre tante Hélène.

 

Son WALTZ 15A

La famille d’Evan rejoint Leni à sa table….

Léni Puis, malgré les annonces, pendant un temps rien n’arriva. Certains trouvèrent cela « drôle », mais ils ne riaient pas beaucoup

Niels rejoint Léni qui reste assis, Niels est debout derrière lui.

Niels R.À table, mon père et mon frère discutent de tout et de rien, tandis que moi et ma mère les écoutons, le sourire aux lèvres. Ainsi, malgré tous ces chamboulements, des morceaux d’un quotidien simple. Il existe des choses que les ombres ne peuvent effacer. Je profite de l’odeur et du bon goût de soupe, de cette nappe si lisse déposée depuis quatre ans, les craquements de la table qui se joignent à nos rires. J’admire la force féroce qui agrippe les yeux de mon père, prête à bondir sur le danger. Je ris intérieurement de mon grand frère qui derrière ses airs adultes cache ses peurs enfantines, dans ses mains crispées sous la table. J’aime le doux sourire empli de sagesse qui danse sur le visage de ma mère. Je m’oublie dans ces instants, alors que le soir tombe.

 

Son WALTZ 15A

Léni sort, Niels s’assied à sa place. Nawell et Valentine rejoignent Niels et Halil.

 

Thomas Aujourd’hui, pendant la nuit, des bombardements ont eu lieu sur toute la ville basse. D’innombrables gens sont morts.

Lorine Heureusement la maison de notre tante n’a pas été touchée et nous allons tous bien.

Thomas : Mila a peur et je la comprends. Peut-être devrions-nous partir ? Mais je ne peux pas demander à Tante Hélène de tout abandonner,

Lena : Ma maison et ma boutique de fleur.

 

Son WALTZ 30

Niels V et Halil sortent

Nawel (assise) : Les Allemands ont pris possession de la Belgique, mon pays d’origine. Père a passé la nuit à s’inquiéter pour sa famille, il espère qu’ils vont tous bien. On espère tous.

(s’avance devant) On devait passer les vacances chez Tante Olivia, la meilleure des tatas, mais je pense qu’on peut laisser tomber. Mère m’envoie faire quelques courses. L’épicerie n’est pas très loin, à seulement une dizaine de minutes. C’est là que je le vois, allongé sur le sol, blessé de partout. C’est un jeune homme, un peu plus âgé que moi. Il respire encore, il peut s’en sortir. Je le ramène à la maison.

 

Son WALTZ 15 a

Robert et Clea entrent. Ils se mettent à quatre points et regardent vers la salle ou les coulisses. Tandis que Lena sort.

Leo (face public)  : Nous avons ouvert le Denis Papin aux réfugiés.

Robert : Plus l’armée allemande avance, plus le nombre de réfugiés grandit.

Cléa : Ce fut d’abord les Belges et les Hollandais, puis les Français se sont mis à fuir vers le sud à leur tour.

Amélia : Jour après jour se succèdent voitures, charrettes, vélos puis marcheurs.

Léo Je veux les suivre, je veux m’enfuir, mettre Rose et mes parents en sécurité.

Le groupe de Léo s’assoit

Mais mon père ne peut se résigner à abandonner son café :

Robert « Qui accueillerait les réfugiés ? Et puis c’est notre gagne-pain, tout de même ! »

Léo : Quant à ma mère :

Cléa « les Français vont contre attaquer, les Allemands n’arriveront jamais jusqu’ici ».

Le groupe de Léo quitte la scène avec les chaises

 

 

Son WALTZ 15A (Thomas et Lorine se lèvent)

Thomas  Nous n’aurions pas dû rester. Nous aurions dû partir dés que les bombardements ont commencé.

Lorine Nous pensions que tout irait bien.

Thomas  Tante Hélène est morte. Il ne restait plus rien de la boutique, hormis des débris et… du sang.

Lorine A l’endroit du comptoir, d’énormes pierres éclaboussées de sang.

 

Son WALTZ 15A

 Hamid vient prendre la place de thomas qui sort.

Lorine et Hamid avancent

Hamid A 11h10, des éclaireurs Allemands sont arrivés en ville.  Aussitôt, J’ai pris la décision de partir et de retourner chez nos parents.

Lorine «  Nous ne pouvons pas ! La maison de papa et maman est trop loin et il n’y a pas d’adulte pour nous accompagner ! Nous n’y arriverons jamais » 

Hamid : Je lui ai expliqué que j’avais déjà préparé une carte  et des vivres : «  nous n’avons pas le choix si nous ne voulons pas être prisonnier des Allemands. » Mila hocha la tête et se contenta de faire la moue.

 

Son WALTZ 15A

Hamid et Lorine sortent. Valentine se lève et avance

Valentine : Charles, le jeune homme que j’ai ramené à la maison il y a 4 jours, mère a pu le soigner. C’est un très bel homme, nous avons seulement 4 ans d’écart. C’est un brun aux yeux clairs. Il ne vient pas de France. Nous lui avons alors demandé ce qu’il venait faire en Bourgogne et il nous a répondu qu’il avait perdu sa famille et qu’il essayait de fuir les Allemands. Le soir même, un appel à l’ordre a été lancé : les Allemands avancent à grande vitesse et on conseille aux familles de fuir. Pas une seconde à perdre, on doit tout préparer au plus vite. Les hommes de la maison sont allés chercher quelques provisions au restaurant tandis que mère et moi préparons les valises. On doit prendre la route dès ce soir, afin de ne pas être bloqué à la sortie de la ville. Je monte dans la charrette avec Charles, pour garder les provisions, tandis que Marcel embarque avec les parents. Nous avons une longue route à faire, notre prochaine destination est Blois pour que mère puisse voir sa famille.

(La famille s’en va. Valentine revient s’asseoir)

 

Son WALTZ 15A

Léo et Antoine entrent, ils avancent vers Valentine et Nawel

Léo Un soir, deux femmes entrent dans le café (en regardant Valentine et Nawel ; Antoine enchaîne tout de suite)

Antoine (en avançant vers le devant de la scène) Elles se ressemblent, mais l’une est nettement plus âgée que l’autre, probablement une mère et sa fille. Elles ont l’air épuisées. La plus jeune s’avance et demande d’une voix tintée d’un fort accent belge si nous pouvons les accueillir pour cette nuit. Mes parents sont sortis et je suis seul avec Rose. J’acquiesce et fais signe à ma petite sœur d’aller chercher de quoi manger dans la cuisine. Je conduis les deux voyageuses dans le fond de la salle où l’on a poussé les tables contre les murs et tapissé le sol de couvertures. Tandis que je les laisse s’installer dans ce dortoir improvisé, mon regard se pose sur la mère. Elle fixe le vide d’un regard morne et n’a toujours pas prononcé un mot. Sa fille l’observait d’un œil inquiet.

 

Son WALTZ 30

Valentine et Nawel sortent

Niels R

Un soir, mes parents se demandèrent si, comme nos voisins, ils décideraient, de nous faire « partir en vacances », mon frère et moi. Curieux, nous avions suivi la discussion derrière la porte. Mon frère, le regard sérieux gardait un air adulte du haut de ses quatorze ans. Moi, avec mon oreille collée de temps en temps à la serrure. Mon père faisait les cent pas. Ma mère, assise dans un fauteuil avait pesé le pour et le contre avec douceur et organisation.

Ils décidèrent finalement que si les ombres devaient tout détruire, alors elles nous détruiraient ensemble.

 

Son WALTZ  42 ( Noir)

Pendant le noir on installe la table pour Halil

JARDIN                                                         

Evan

Kathleen                                         

Nina

Hugo

Mathieu

Halil

 

COUR

Simon

Léna

Amine

Lily

Chénoa

 

Tout le monde entre avec une chaise, en disant son texte avec la musique qui recouvre les paroles ; la musique monte, tous parlent plus fort. Musique et voix stoppent brutalement

une salle d’attente, le chaises tout autour, la table au milieu avec Halil

 

                            Nina                     Amine                  Simon

Evan                                                                                                         Mathieu

Chénoa                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        HALIL                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             Kathleen

Lily                                                                                                                         

Léna                                                                                                          Hugo

 

Evan : Moi et les autres réfugiés avons erré dans le désert sec et aride,

Hugo avec peu de provisions, 

Evan durant de longues heures,

Hugo sans doute une journée.

Evan Des heures interminables,

Hugo les pieds brûlés par le sable fin,

Evan le visage frappé sous les coups du soleil.

Hugo Puis au bout d’un moment,

Evan nous avons trouvé une ville au bord de la mer.

Hugo J’ai cru que nous pourrions partir de cet enfer.

Evan C’est à ce moment qu’une bande nous agressa

Hugo et nous prit presque tout notre argent ainsi que nos objets de valeur.

 

 Noir

 

Simon Pour traverser la frontière marocaine, je pris un bateau,

Chenoa le Capricorne.

Simon Le doute m’envahissait : m’en sortirais-je vivant

Chénoa ou allai-je mourir dans d’atroces souffrances ? 

Simon L’embarcation,

Chenoa de six mètres de long,

Simon n’étaient pas dignes de confiance

Chenoa car nous étions plus d’une soixantaine.

Simon Nous étions entassés les uns contre les autres,

Chenoa des hommes,

Simon des femmes,

Chenoa des enfants,

Simon des bébés même parfois accrochés à leur mère. 

Chenoa Le voyage commença dans d’assez bonnes conditions,

Simon quand soudain nous entendîmes un craquement.

Chenoa La coque se brisait,

Simon le bateau coulait.

Chenoa Des nuées de désespoir surgirent ;

Simon des gens criaient,

Chenoa d’autres qui ne savaient pas nager se noyèrent.

 

Noir

 

Amine J’entends encore les tirs derrière moi. Des cris aussi, des cris d’effroi. Je dois continuer, sans me retourner.

Lily Je plonge dans l’eau ; plus aucun bruit, le monde semble disparaître. Sous l’effet de l’eau glacée, mon corps se fige.

Amine J’enlève mes chaussures pour  mieux nager ; je réalise que je suis bien loin des autres ; le courant sans doute.

Lily Ce courant est bien plus fort que ce que j’avais imaginé, j’essaie de les rejoindre, en vain.

Amine Mes forces m’abandonnent,

Lily  mes muscles se lassent

Amine et mon mental lâche.

Lily Je me laisse porter par les vagues, puis  elles me recouvrent le visage, enfin je ferme les yeux.

Amine Je commence à rêver d’une main solide qui viendrait me sortir de cet abysse effroyable.

 

Noir

 

Mathieu J’étais sur le point de lâcher le morceau de bois auquel je m’étais agrippé, quand j’aperçus une lueur flottant sur les côtes espagnoles. C’était la Croix rouge qui venait nous secourir. J’accrochais mon regard à celui d’un sauveteur. Je sus que j’étais sauvé.

 

Noir

 

Kathleen Je me sens en sécurité ici en France

Nina même s’il m’arrive parfois de retourner dans mon passé,

Kathleen d’errer dans des nuées de désespoir.

Nina Je me pose alors toujours ces mêmes questions : pourquoi ai-je quitté mon pays ?

Kathleen Que sont devenus les miens ?

Nina Comment suis-je parvenu à arriver jusqu’ici ?

Kathleen Dès que j’y repense, l’espoir me revient.

Nina Dans mon pays,

Kathleen en Erythrée,

Nina la vie de tous les habitants est dirigée par une dictature.

Tout le monde Voilà pourquoi je suis parti :

Kathleen exprimer ses opinions et se faire arrêter,

Nina pratiquer sa religion et se faire torturer,

Kathleen s’opposer au régime et se faire tuer,

Tout le monde  c’ était devenu insupportable !

Kathleen Régulièrement, je voyais des amis partir pour l’Europe.

Nina Comme j’avais envie de les suivre !

Kathleen Mais qu’est-ce que j’avais peur !

Nina Le soir j’étais envahi de multiples questions :

Kathleen fallait-il que je quitte mon pays ?

Nina Pourquoi avais-je envie de  partir ?

Kathleen Jusqu’au jour où j’eus la réponse :

Nina mon frère venait d’être abattu en pleine rue, par des soldats.

 

Noir

Lena Mon nom est Masarra Faek. Je suis née  à Madan, dans l’Est de la Syrie. J’y ai vécu quatorze belles années, mais nous avons dû fuir, chassés par la guerre civile. Nous avons quitté le pays en octobre 2012 et peu après nous avons atteint la Turquie. Nous avons franchi la frontière sans difficulté et les autorités nous ont emmenés au camp d’Akgakale.  J’ai passé les premières semaines à errer sans but au milieu des tentes beiges. Je pensais à mes amis, à mon quotidien. Oui, mon quotidien, car nous en avions tous un, avec nos habitudes et notre confort. Trop souvent, on oublie que les refugiés ne l’ont pas toujours été. J’ai passé trois ans à Akgakale. J’ai été scolarisée et l’éducation est devenue ma seule porte de sortie. Aujourd’hui, je suis étudiante en médecine et j’ai fait partie de la soixantaine de réfugiés syriens ayant eu le droit de poursuivre leurs études en Turquie.  Mon parcours a été dur, mais loin d’être le pire de tous. La seule chose qui empêche les migrants de trouver refuge, c’est la clef qui ferme vos esprits.

Pendant la réplique de Nina, un par un les autres réfugiés viennent se placer derrière elle

 

Son waltz 42

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